Lovecraft (Howard Phillips)

 

 

Howard Phillips Lovecraft (1890-1937), écrivain américain, peut être considéré comme le véritable fondateur du fantastique moderne ; c'est, en tous cas, un personnage marquant de la littérature américaine, et peut-être même mondiale.

Presque toute la vie de Lovecraft a pour cadre sa ville natale de Providence (Rhode Island). D'abord passionné par l'astronomie et la chimie, le jeune HPL est rapidement vite atteint du virus de l'écriture. Ses premières productions sont relativement peu intéressantes : poèmes d'allure surannée dans lesquels il donne libre cours à son culte du XVIIIe siècle anglais, et essais sur des sujets divers, où il exprime des positions hyper-conservatrices, militaristes, xénophobes, qu'on n'attendrait pas vraiment d'un homme que tous ses amis ont décrit comme incroyablement gentil, cordial et serviable. Très vite il découvre les maîtres du fantastique, dont Poe, et décide de suivre leurs traces.
Vivant d'une maigre rente et de travaux de révisions, il consacre toute son énergie à l'écriture, révélant des qualités qui s'affinent avec le temps et des défauts qu'il élimine peu à peu. Lovecraft se sent mal à l'aise dans les détails vulgaires de la vie quotidienne ; son (bref) mariage est un échec, ses recherches d'emploi n'aboutissent jamais. Son univers de prédilection, ce sont les mondes qu'il invente et ses nombreux amis éparpillés à travers les Etats-Unis, avec qui il échange une volumineuse correspondance. Il y révèle une vaste culture d'autodidacte touchant parfois à l'érudition et une profonde connaissance de la littérature européenne, assez étonnantes pour un auteur qui de son vivant ne fut publié que dans les pulps, ces magazines à trois sous au lectorat inculte et quasi illettré.
H. P. Lovecraft : un homme qui aimait ses amis, sa ville de Providence, ses livres, les chats, les glaces et les étoiles ; qui détestait les fruits de mer, l'irrationnalisme (et tout particulièrement l'astrologie), le froid, les étrangers, et l'argent. Il est mort à l'âge de 46 ans, d'un cancer de l'intestin.

L'oeuvre de Lovecraft est fascinante à plus d'un titre. On y décèle certes l'influence de ses auteurs préférés : Algernon Blackwood, Arthur Machen, Ambrose Bierce, lord Dunsany et surtout Edgar Poe ; mais c'est une oeuvre avant tout originale et novatrice. Malgré son talent, Poe ne fait finalement qu'osciller entre le macabre (nous dirions aujourd'hui le gore) et les modes pseudo-scientifiques de son époque comme le "magnétisme", c'est-à dire l'hypnose ; Dunsany, entre l'univers des dieux de l'Olympe et celui des Mille et une Nuits ; Machen, entre les légendes celtiques et l'imaginaire chrétien ; Bierce, entre l'humour noir et les classiques histoires de revenants. Lovecraft, au contraire, illustre parfaitement la définition du fantastique : l'intrusion dans la banalité de la vie quotidienne d'éléments radicalement étrangers, représentants d'une réalité totalement autre. Chez lui, ces éléments proviennent d'autres planètes, d'autres dimensions, ou bien surgissent du fond des siècles. Ce sont des divinités monstrueuses, des cités englouties à la géométrie anormale, des livres maudits (comme le fameux Necronomicon) ; ce sont les choses qui ne devraient pas exister, sur lesquelles courent des légendes noires et qui font l'objet de cultes secrets. Se trouver face à face avec ces choses, découvrir que les légendes les plus invraisemblables étaient vraies, ne peut mener, sauf exceptions, qu'à la folie ou à la mort ; d'autant plus que rien, aucune providence, aucune divinité secourable ne vient aider le héros. Celui-ci est seul et ne peut compter que sur ses propres forces, toujours défaillantes, et sur les bribes de connaissance occulte qu'il a parfois pu accumuler. Cependant elles sont généralement insuffisantes pour constituer une arme et il n'a plus que la solution de trouver un échappatoire provisoire dans la fuite.

Pour beaucoup de gens, Lovecraft est avant tout l'inventeur du mythe de Cthulhu, une sorte de mythologie personnelle réalisant une étonnante synthèse entre l'occultisme classique et le rationalisme scientifique moderne. Après Lovecraft, plusieurs auteurs ont voulu prolonger le mythe, inventant de nouvelles divinités ou accommodant les anciennes à une nouvelle sauce. Cependant, ces derniers temps, une certaine défaveur a frappé ces suiveurs trop zélés pour être vraiment inventifs, mettant plutôt à l'honneur des écrivains qui, s'ils ont lu (et aimé) Lovecraft, s'attachent à en retrouver l'esprit plutôt que la lettre. Ces auteurs ont compris que la contribution majeure du grand HPL ne réside pas dans une liste de noms barbares, dans quelques tics d'écriture ou dans un univers trop ordonné et systématisé, exempt de mystère et de contradictions ; mais bien plutôt dans cet élément capital de tout conte fantastique : l'atmosphère.